Derrière Donald Trump, l’évolution de la tech

Donald Trump, volume 2 • Qant, M. de R. avec Midjourney

Après le choc, une semaine de réflexion a largement éclairci les raisons qui reportent au pouvoir Donald Trump, avec un programme décomplexé. Cinq tendances à surveiller se dégagent. Elles relèvent de la tech et dépassent largement son mandat, son programme et les seuls États-Unis.

À SURVEILLER 1 : De la démocratie en Amérique. La profonde modification de l’espace public, médiatique et politique de l’ère Trump se fonde sur la délinéarisation des médias et la manipulation des réseaux sociaux et des algorithmes d’IA. Le phénomène est mondial et la transformation de Twitter en réseau de propagande amplifié par les grands réseaux de Meta et Tik Tok (sauvé de la vente forcée par l’élection de Trump) est sous les yeux de tous, même si elle doit encore être étudiée dans les détails. Peut-être l’assaut futur de l’administration Trump contre les institutions de son pays fera-t-il sortir de leur passivité les pays encore à même de réglementer plus sévèrement les médias sociaux. S’y résoudraient-ils, il n’est même pas certain qu’ils le puissent. Pendant la campagne américaine, après l’accrochage entre Elon Musk et le commissaire européen Thierry Breton – remercié depuis –, JD Vance a menacé de sortir de l’Otan si l’Europe forçait X à se plier à la loi.

À SURVEILLER 2 : La tech et le mercantilisme. Les supply chains de Tesla et SpaceX sont soumises aux mêmes contraintes que les autres. 40 % des fournisseurs de batteries électriques à Tesla sont chinois, par exemple. On aura donc ici une première mesure de l’influence réelle d’Elon Musk. Si la hache protectionniste s’abat tout d’abord sur le roquefort, les berlines et le thé vert, la Silicon Valley aura le temps de s’adapter. Mais jusqu’à un certain point, car il arrive que les mêmes causes produisent les mêmes effets. En 1930, le Smoot-Hawley Tariffs Act, sous le président républicain Hoover, a contribué à aggraver la récession américaine et, par le biais d’une guerre commerciale mondiale, à exporter la Grande Dépression partout dans le monde. La Tech pourrait souffrir tout autant d’une récession mondiale que d’une réelle mobilisation européenne sur l’open source.

Intel, Tesla et Apple figurent parmi les sociétés américaines qui vendent le plus en Chine • source : Mirabaud

À SURVEILLER 3 : La dérive des continents. Outre le protectionnisme, l’engagement américain dans l’Otan et les institutions multilatérales est remis en cause. De tous les alliés des États-Unis, l’Europe a cependant les meilleures chances de résister à la vague. Un sursaut européen, reprenant les idées du rapport Draghi dans un contexte de réarmement forcé, semble aujourd’hui bien improbable. La prudence de la présidente du conseil italien Giorgia Meloni, bien différente de l’enthousiasme des régimes slovaque et hongrois, peut cependant laisser quelque espoir.

À SURVEILLER 4 : Certains l’aiment chaud (mais ils ont tort). La déréglementation anti-environnementale promise aura sans doute pour effet d’accélérer la croissance à court terme aux États-Unis. Meta n’aura plus à s’inquiéter des abeilles pour ses centrales nucléaires (lire Qant du 5 novembre). Mais en accélérant le réchauffement global, la politique du “drill, baby, drill” réduit la fenêtre pour s’y adapter. Il est donc probable qu’elle précipite la survenue d’une crise à moyen terme. On ne voit pas arriver les innovations technologiques qui pourraient l’atténuer.

À SURVEILLER 5 :The day the dollar die. Jusqu’à présent, Donald Trump a surtout payé le soutien des cryptos à sa campagne par de bonnes paroles – si l’on excepte la promesse de contraindre à la démission le président de la SEC, le gendarme financier américain, la SEC. Néanmoins, le fait d’avoir créé sa propre entreprise de cryptos semble indiquer la volonté de libéraliser le secteur, alors que le fossé qui le distinguait de la finance traditionnelle est en train de sauter, aussi bien dans les paiements que dans la gestion d’actifs. Une tentative de remplacer le dollar numérique par des stablecoins est même possible. En tout cas, la prochaine crise venue de ce segment spéculatif et ouvert aux comportements douteux pourrait déstabiliser tout le système financier international. Et ce ne serait pas une bonne nouvelle, quoi qu’en dise la chanson.

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