IA et énergie : la course contre la surcharge électrique

Le défi énergétique américain • Qant, M. de R. avec Midjourney

L’explosion de l’intelligence artificielle entraîne une demande énergétique sans précédent qui menace la stabilité des réseaux électriques et nécessite des solutions d’urgence.

L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle a des conséquences lourdes sur les systèmes énergétiques. Selon une étude de Grid Strategies, citée par Bloomberg, la consommation d’électricité aux États-Unis va croître de 16 % dans les cinq prochaines années, soit plus du triple des prévisions d’il y a un an. Cette hausse est directement liée à la prolifération des centres de données et, subsidiairement, aux voitures électriques.

Cette demande supplémentaire pèse sur des réseaux déjà fragilisés par la montée des énergies renouvelables intermittentes et les événements climatiques extrêmes – sans parler, aux États-Unis du moins, de la vétusté des installations. Ainsi s’explique que le décret présidentiel de Joe Biden sur l’infrastructure de l’IA (Advancing United States Leadership in Artificial Intelligence Infrastructure (lire Qant du 15 janvier) ait survécu à la charrette qui a supprimé, lundi, la plupart des décrets de l’ancien président.

Drill, baby, drill

Trump a retiré les États-Unis de l’accord de Paris et annulé les objectifs de neutralité carbone de l’administration Biden. Au contraire, le nouveau président a déclaré une urgence nationale en énergie pour relancer la production de combustibles fossiles. Il a également autorisé de nouveaux forages en Arctique et dans les eaux côtières américaines, justifiant ces mesures par la nécessité de soutenir l’économie énergétique et de rivaliser avec la Chine dans la course à l’IA.

À presque 22 millions de barils par jour, la production pétrolière américaine est déjà la plus importante au monde, loin devant l’Arabie Saoudite (11 millions) et la Russie (10,75 millions). Certains estiment que les initiatives de Trump, qui accéléreront le réchauffement climatique mondial, pourraient en revanche ne pas suffire à l’IA, tant les réseaux électriques doivent faire face à une demande en croissance exponentielle.

Un avenir sous tension

Non seulement les centres de données se multiplient mais, à proximité de ces installations, la qualité de l’électricité se dégrade. Une enquête de Bloomberg montre que les harmoniques des ondes transportées se dégradent à moins de 30 kilomètres d’un datacenter. La qualité de l’électricité est infiniment meilleure, par exemple, dans le comté de York, dans la Virginie rurale, que dans celui du Prince William, au cœur du “couloir de données” qui mène à Washington et au Pentagone, la zone où la densité de datacenters est la plus forte au monde.

S’appuyant sur les données l’institut DC Byte et de Whisker Labs, qui a disposé 1 million de capteurs de manière à ce que 90 % des foyers américains se trouvent à moins d’un demi-mille de l’un d’entre eux, Bloomberg estime que 3,7 millions d’Américains vivent déjà avec un risque accru d’incendie et de détérioration des appareils électriques.

Avec la prolifération des centres de données, la montée des températures et des politiques énergétiques divergentes entre grandes puissances, la pression sur les réseaux électriques ne devrait que s’accentuer dans les années à venir. Les infrastructures électriques vieillissantes, particulièrement aux États-Unis, nécessiteront des investissements massifs.

Watts en stock

Pour stabiliser les réseaux, des solutions innovantes sont en cours de développement. Des start-up travaillent par exemple sur des batteries longue durée, capables de fournir de l’électricité pendant plusieurs jours, qui pourraient compléter les batteries lithium-ion du marché. C’est le cas notamment de l’américaine Form Energy, créée par un ancien directeur des batteries chez Tesla, qui a levé 820 millions de dollars et dont la première usine est sortie de terre en septembre 2024.

La Chine, principal concurrent des États-Unis dans la course à l’IA, a ajouté 36 gigawatts de capacités de stockage grâce aux batteries l’an dernier, un record mondial. Les États-Unis n’ont ajouté que 13 gigawatts la même année.

Les batteries géantes permettent de lisser la consommation d’électricité en stockant l’énergie excédentaire produite par les panneaux solaires ou les éoliennes. Cependant, leur autonomie reste limitée à quelques heures, ce qui les rend inadaptées pour faire face à des crises prolongées. Et tout à fait inutiles pour l’électricité produite en continu par le pétrole ou le nucléaire.

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