Quelles applications pour le quantique, aujourd'hui et demain ? En plein hiver quantique, la question s’annonçait épineuse. Rassemblés hier à l'initiative de Sopra Steria et du think-tank français G9+, les principaux acteurs français du secteur (Quandela, Pasqal, Alice & Bob, etc.) ont tenté d’y répondre.
Une stratégie quantique vieille de trois ans
« On se plaint que la France et l’Europe sont passées à côté de nombreuses technologies. Or il existe aujourd’hui une opportunité de construire une industrie européenne avec des acteurs forts qui sont au même niveau que les acteurs américains. Cela passe par l’implication de tous ! » s’exclame Valerian Giesz, cofondateur et COO de Quandela.
De tous, et notamment de l'Etat, qui a lancé dès 2021 une stratégie quantique à travers laquelle 1 milliard d'euros d'argent public a été mobilisé. « Le secteur quantique est souvent rattaché au thème de la souveraineté, mais il y a également un immense potentiel de valeur économique par les technologies de calcul » rappelle Amandine Reix, sous-directrice du spatial, de l'électronique et du logiciel à la Direction générale des entreprises à Bercy, qui rappelle le chiffre des plus de 350 millions d'euros levés par les start-ups quantiques françaises, Pasqal en tête (lire Qant du 25 janvier 2023). L'engagement des pouvoirs publics s'est également matérialisé en mars dernier par le lancement du programme Proqcima par la Direction générale de l'armement, qui a sélectionné cinq start-ups (Pasqal, Alice & Bob, C12, Quobly et Quandela) pour créer d'ici 2032 deux prototypes d'ordinateurs quantiques universels, c'est-à-dire capable de corriger les erreurs dues à la nature imparfaite du matériel actuel.
Le sujet central de la cybersécurité à l'ère de l'informatique quantique est bien sûr évoqué : « il faut penser nativement post-quantique », explique Simon Marsol, CTO Défense et Sécurité Europe chez Sopra Steria, pour qui l'informatique quantique va changer la manière de collaborer entre les pays et la gestion des réseaux de sécurité. Mais la cryptographie post-quantique (PQC) n’est pas, à proprement parler, un cas d’usage quantique. L’informatique quantique est souvent citée dans la finance, à l'image du partenariat entre Pasqal et le Crédit Agricole dans la valorisation des produits dérivés et la mesure des risques de crédit (lire Qant du 27 janvier 2023), mais elle touche tous les secteurs gourmands en calcul, par exemple le spatial.
La tournée du facteur, mais dans l’espace
Le monde de l'espace est devenu plus concurrentiel qu’il ne l’a jamais été. Alors que 60 ans de conquête spatiale avaient permis de réduire de moitié le coût du kilo en orbite, SpaceX est parvenu à le diviser par cinq en dix ans. Une rupture qui force la France et l’Europe à réagir : « Le Cnes peut prendre des risques pour l’industrie, développer des cas d’usage et encourager la prise de risque chez nos partenaires industriels », explique Stéphane Oriol, chef de projet Recherche & Technologie au sein de l'agence spatiale française.
Économiser un kilo de carburant sur Ariane 6 permet d'économiser 12 000 dollars. Le Cnes a identifié un algorithme pour réduire la consommation, mais le calcul haute performance actuel ne peut le faire tourner. L'optimisation de la consommation de carburant et de comburant pour un lanceur comme Ariane 6 constitue donc un premier cas d’usage pour ordinateur quantique dans le spatial. « Nous devons prendre de l’avance sur ce qui va marcher demain et le quantique en fait partie », conclut Stéphane Oriol.
Au prix de l’essence aujourd’hui…
Maurice de Rambuteau
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