Trumperie sur la marchandise ? la tech américaine face à la prochaine administration

Donald Trump

Le futur président américain est connu pour sa versatilité. Mais, malgré sa capacité à changer d’avis souvent et rapidement, la plupart de ses options technologiques semblent déjà claires. Sauf peut-être en matière de concurrence, la tech s’attend à une grande déréglementation et, sans doute, de fortes commandes publiques. Notamment aux entreprises d’Elon Musk.

Les précédents du premier mandat Trump sont éloquents. C'est sous son administration qu'ont été lancées les poursuites antitrust contre Google concernant ses accords de recherche par défaut – un procès que le géant du numérique a perdu cet été (lire Qant du 10 octobre 2024, du 9 août 2024 et du 14 septembre 2023) – ainsi que l'action en justice contre Meta pour ses acquisitions d'Instagram et WhatsApp. Tout le monde s’attend à ce que la pression anticoncurrentielle sur les géants de Silicon Valley s’accentue.

Supply chains

Ls tarifs douaniers promis par Donald Trump, particulièrement tournés contre la Chine, représentent une menace pour toutes les grandes entreprises, mais particulièrement pour les fabricants de semi-conducteurs et d’appareils high-tech. Apple, qui réalise environ 60% de son chiffre d’affaires à l’international, sera sans doute la première victime des tarifs douaniers contre la Chine, alors même qu’elle tente d’y élargir son empreinte industrielle avec Foxconn et Lenovo (lire ci-dessus). Nvidia, qui a déjà souffert des sanctions antichinoises, risque en outre de voir sa supply chain bouleversée si la pression sur Taïwan augmente. Mais les hyperscalers et toutes les entreprises qui gèrent un datacenter sont clients de l’industrie chinoise et taïwanaise.

La nomination de J.D. Vance comme vice-président renforce cette perspective. L’ancien VC dans la firme de Peter Thiel a publiquement exprimé son hostilité envers les Big Tech, appelant de ses vœux le démembrement de Google et Facebook. Il est allé jusqu’à saluer l'approche antitrust agressive de Lina Khan, la présidente de la FTC. Il rejoint ainsi Marc Andreessen et sa défense de “Little Tech” contre Big Tech (lire Qant du 18 octobre 2023).

Acquisitions

En revanche, il est probable que l’attention de la FCC sur les fusions-acquisitions, qui a conduit Microsoft et Google à se contorsionner pour absorber les équipes d’Inception et de Character AI (lire Qant du 4 octobre), sera conduite à se détendre. Tout comme la réduction des règles environnementales facilitera la construction de data centers et de centrales nucléaires.

L'empire d'Elon Musk apparaît comme le grand bénéficiaire potentiel de cette nouvelle donne. La première administration Trump n’était pas particulièrement regardante sur les conflits d’intérêt ; il n’y a pas de raison de croire qu’il en ira différemment cette fois. S’il est bien nommé à la tête d'un "ministère de l'efficacité publique" ou une autre position importante au sein du nouveau régime, l'entrepreneur pourra s’assurer que ses diverses entreprises soient bien positionnées face au gouvernement fédéral.

SpaceX, notamment, est très dépendante des crédits publics et de la clientèle de la Nasa. Son projet de voyage sur Mars est inimaginable sans un soutien fédéral important. Les investigations de la Federal Aviation Authority avaient conduit à retarder le lancement de Starship en octobre ; SpaceX devrait désormais bénéficier d'une accélération des processus d'approbation pour ses lancements et ses projets martiens. De même, Tesla peut s’attendre à un allègement de la surveillance réglementaire sur ses systèmes de conduite prétendument autonomes et ses pratiques de sécurité au travail ; xAI peut espérer des contrats publics réservés, pour l’heure, à Microsoft, OpenAI, Meta, Scale AI et Palantir. Ou encore, un assouplissement de la réglementation faciliterait considérablement le développement des implants cérébraux de Neuralink. De quoi amortir les 44 milliards de dollars (auxquels s’ajoutent 2 milliards de frais) volatilisés en transformant Twitter en instrument de pouvoir.

Dérèglementation

Sur l’IA, Donald Trump a promis d’abroger l’executive order de Joe Biden en 2023 (lire Qant du 31 octobre 2023) et donc sa déclinaison de la semaine dernière. Il entend “interdire l’utilisation de l’IA pour réduire la liberté d’expression”, un clin d’oeil appuyé vers Grok, le chatbot plus débridé de xAI et Elon Musk. Côté puces d’IA, Trump s'est montré critique envers le Chips Act, privilégiant l'idée de tarifs douaniers plutôt que des subventions directes aux fabricants américains. Cette approche pourrait accélérer l'expansion de TSMC aux États-Unis, au-delà de son usine actuelle à 4nm en Arizona.

Enfin, le secteur des cryptomonnaies s'attend à un environnement plus favorable. Donald Trump a promis de contraindre à un départ anticipé Gary Gensler, président de la SEC et critique notoire des crypto-actifs. La perspective d’une libéralisation a fait bondir le cours du bitcoin vers un nouveau record, 75 000 dollars, ce qui apporte un gain financier immédiat à Tesla, le troisième détenteur de bitcoins aux États-Unis. Toutes les cryptomonnaies ont bondi et particulièrement le Dogecoin, favori d’Elon Musk, dont le cours a bondi de 20 % en un jour.

On aura noté que le Department of Gouvernement Efficiency, promis à Musk, a pour initiales DOGE, tout comme le jeton crypto.

Il va falloir s’y faire.

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L’essentiel