Qant. Après le CES de l’IA en 2024, nous avons eu cette année le CES des robots. L’heure de l’IA embarquée a-t-elle sonné ?
Florent Roulier. Indéniablement, Realbotix et Unitree ont marqué le salon. En particulier, voir le G1 humanoïde d’Unitree serrer les mains des passants était impressionnant, quand on pense à la gestion du risque dans un pays comme les États-Unis. Le robot d’Unitree n’a rien à envier à Optimus de Tesla ou Atlas de Boston Dynamics ! Moins avancée en termes de bipédie, Realbotix a pour sa part développé une gestuelle très intéressante. Cependant, pour des applications à plus court terme, il faut surtout considérer les retombées dans deux domaines déjà très présents sur le salon : l’électromobilité et la maison connectée.
Qant. Le courant passe donc encore dans la mobilité…
Florent Roulier. Oh que oui ! On a vu se préparer le lancement de Zoox, véhicule autonome sans pédale ni volant, même s’il reste encore au niveau 4. Et Waymo était très présent sur le salon, non seulement pour montrer ses services, qu’il étend graduellement aux États-Unis, mais aussi des véhicules Hyunday et Jaguar « rétrofités » avec ses services, ce qui devrait lui ouvrir un nouveau marché. Et pour ce qui est de l’électromobilité au sens strict, on continue de la voir s’étendre au-delà des voitures, des engins de chantier, mais aussi des camions pompiers ou des camions poubelles 100% électriques …
Qant. Qu’en est-il des smart homes ?
Florent Roulier. Le combat pour l’interopérabilité continue : on voit encore peu de réseaux Matter. Mais en tirant parti de l’IA, la maison connectée prend une nouvelle dimension. On a vu revenir en masse les robots-aspirateurs, l’un avec un bras pour saisir les objets par terre, un autre avec des jambes pour franchir les obstacles, un autre encore – Switchbot – pour apporter des objets tout en nettoyant le sol…
D’autres applications bien sont plus originales. La poubelle de Ganiga, par exemple, trie d’elle-même les objets qu’on y met et les envoie vers le bon bac. Les sonnettes vidéo Ring d’Amazon, par exemple, analysent désormais tout ce qu’elles filment : votre maison peut vous dire où est le chat, à quelle heure précise tel colis a été reçu… ou encore, et c’est moins agréable à savoir, quand votre voisine a pris le soleil sur son balcon.
Qant. Une killer app sortira peut-être de ce foisonnement… et peut-être de celui des lunettes AR connectées ?
Florent Roulier. Il faut distinguer les lunettes qui affichent réellement des informations en réalité augmentée (AR) de celles simplement connectées à l’IA, comme les Ray-Ban Meta. Le succès de celles-ci a fait que l’on voyait énormément d’émulateurs au CES, mais les véritables progrès se trouvent du côté des lunettes AR. Les performances des XReal One Pro et des Rokid Max 2 sont très convaincantes. Elles prennent le contrepied de l’Apple Vision Pro, en proposant à des prix abordables un écran dans des lunettes légères, fines, plus mobiles. Si on y ajoute des interfaces comme la bague Lotus, qui permet d’interagir avec des objets simplement en les montrant du doigt, on a un aperçu du monde qui vient.
Propos recueillis par Jean Rognetta.
Passionné par l’innovation numérique depuis toujours, Florent Roulier, Ingénieur de formation et diplômé de l'ESIEA, débute sa carrière au sein d'une société de service numérique de rang mondial, en partie au Moyen-Orient. Il rejoint ensuite un opérateur télécoms leader sur le marché Européen, ce à un moment charnière de l’adoption du numérique dans nos quotidiens : l’apparition de l'iPhone et les premières expériences d’applications mobiles. Il intègre Niji en 2013. En dix ans, il y occupe différents postes clés, de la gestion des projets de design au pilotage de l'activité avant-vente, lui offrant ainsi une vision à 360 degrés des processus de transformation numérique. Actuellement Responsable de l'innovation, il décrypte les nouvelles tendances numériques et en mesure leur pertinence. il parcourt notamment les plus grands salons d'innovation internationaux tels le CES et le GITEX depuis plus de 8 ans.