Les stablecoins peuvent défendre le statut mondial du dollar

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La Chine consacre d'importantes ressources à la création d'une alternative au système de paiement en dollars. Pour contrer cette tendance, les responsables politiques américains devraient soutenir les entreprises privées émettant des stablecoins, qui peuvent assurer la demande de dette publique américaine et renforcer la position et la portée du billet vert dans le monde.

Par Paul Ryan (Paradigm Policy Council)

Imaginez un monde où la Chine aurait supplanté les États-Unis à la tête de l'économie mondiale et où le renminbi, et non le billet vert, serait la monnaie de réserve mondiale. Ce scénario serait désastreux pour les citoyens, les entreprises et les alliés des États-Unis. Compte tenu de l'endettement record des États-Unis et de leurs dépenses insoutenables, la baisse de la demande d'actifs libellés en dollars paralyserait l'économie américaine. Le gouvernement serait contraint de réduire les services publics et les dépenses militaires, ce qui modifierait presque tous les aspects de la vie américaine – et pas en bien.

Pire encore, le Parti communiste chinois (PCC) contrôlerait les systèmes de paiement mondiaux et d'autres infrastructures financières. Cela permettrait au PCC d'exercer son influence et d'exporter son État de surveillance dans le monde entier, et d'isoler les États-Unis et leurs alliés avec un mur de sanctions. Si une personne ou une entreprise américaine critique les dirigeants chinois, elle pourra être immédiatement exclue du commerce mondial.

Le Parti à la manoeuvre

Le PCC s'efforce d'en faire une réalité. Parallèlement à son initiative « Belt and Road », qui a massivement étendu l'influence chinoise en finançant de grands projets d'infrastructure et de technologie dans les économies émergentes et en développement, la Chine consacre d'importantes ressources à la création d'une alternative au système de paiement en dollars. En 2021, le gouvernement chinois a fait un pas important dans cette direction en lançant une monnaie numérique de banque centrale.

Pour étendre la portée du renminbi numérique, la Banque populaire de Chine (PBOC) dirige les efforts visant à créer une plateforme de règlement transfrontalier instantané. Le projet mBridge, abréviation de « multiple CBDC bridge », développé en partenariat avec une poignée d'autres banques centrales (lire Qant du 7 juin et du 5 novembre), vise à connecter les banques commerciales, les entreprises et les autorités monétaires à un réseau distribué pour les échanges commerciaux et les flux financiers. De nombreuses banques centrales occidentales, dont la Banque centrale européenne et la Federal Reserve Bank of New York, ainsi que la Banque mondiale et plusieurs banques commerciales, ont rejoint le projet en tant qu'observateurs, mais n'ont que peu d'influence sur sa conception et ses détails techniques.

Le renminbi face au dollar

En cas de succès, le mBridge renforcerait le pouvoir de la Chine en matière de devises. Il est inquiétant de constater que les premiers signes indiquent que cette stratégie porte ses fruits. En avril, les données de Swift, le réseau de paiements interbancaires basé à Bruxelles, ont montré que la part du renminbi dans les paiements internationaux n'avait jamais été aussi élevée, dépassant le yen pour devenir la quatrième monnaie la plus utilisée dans les transactions transfrontalières. Bien que le renminbi ait encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir menacer de manière crédible le dollar, mBridge ne fera qu'accélérer cette tendance.

Le dollar règne en maître depuis près d'un siècle parce qu'il s'appuie sur un État de droit bien établi, une armée nombreuse et puissante et une économie dynamique. Mais les responsables politiques américains ne peuvent pas se permettre de rester inactifs face à l'évolution du monde. La livre sterling était autrefois la monnaie dominante pour le commerce international et les réserves de change – jusqu'à ce qu'elle ne le soit plus. Si le billet vert veut éviter le même sort, les dirigeants américains doivent reconnaître que le système financier américain a grand besoin d'être modernisé. Alors que nos vies et nos économies se numérisent de plus en plus, le dollar doit lui aussi se numériser.

Moderniser la finance mondiale

Le principal défi pour les responsables américains est de mettre à jour l'architecture financière mondiale de manière à garantir l'utilisation continue du dollar comme instrument de promotion de la liberté économique dans le monde. La solution réside dans un pilier central du « soft power » américain : l'innovation technologique. En d'autres termes, un système de paiement construit par l'industrie privée aux États-Unis vaut mieux qu'un système construit par la PBOC à l'aide de la technologie chinoise. En plus de mettre de l'ordre dans les finances publiques américaines, les décideurs politiques devraient soutenir les entrepreneurs qui émettent des stablecoins sur les rails de la blockchain.

Les stablecoins – qui sont presque tous garantis par des dollars – peuvent assurer la demande de dette publique américaine tout en renforçant la position mondiale du billet vert et en étendant sa portée à de nouvelles plateformes numériques qui responsabilisent les utilisateurs et protègent la vie privée et la souveraineté des individus. Mais pour encourager leur adoption, les décideurs politiques doivent créer un cadre réglementaire adapté qui offre aux émetteurs et aux détenteurs un certain degré de sécurité juridique et favorise l'innovation. Le système de paiement en dollars est attaqué. Compte tenu des enjeux, la protection de son avenir doit devenir un impératif de sécurité nationale.

Pour en savoir plus :

Paul Ryan, ancien président de la Chambre des représentants des États-Unis (2015-19), est chercheur invité à l'American Enterprise Institute et membre du Paradigm Policy Council.

Ce texte a initialement été publié sur Project Syndicate en anglais le 5 novembre, traduction : Qant.

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