La française Mistral AI, spécialisée dans les modèles d’intelligence artificielle, et l'allemande Helsing, qui développe des logiciels pour les équipements militaires, travailleront ensemble sur des solutions d’IA appliquées à la défense. Selon leur déclaration commune lors du sommet sur l’intelligence artificielle à Paris, elles utiliseront la vision par ordinateur pour améliorer l’analyse des environnements opérationnels et faciliter la prise de décision en situation complexe.
L’IA, un outil stratégique pour les forces armées
Helsing conçoit des logiciels destinés aux drones et aux avions de combat Eurofighter. Elle a récemment annoncé le développement de ses propres drones d’attaque. L’entreprise milite pour un renforcement des capacités de défense européennes, dans un contexte de tensions géopolitiques accrues. De son côté, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a confirmé le mois dernier que certaines des solutions de Mistral seront utilisées par l’armée française.
L’utilisation de l’IA dans la défense répond à plusieurs objectifs : automatiser l’analyse des données en temps réel, optimiser la communication entre les systèmes militaires et leurs opérateurs, et accélérer la prise de décision en opération. Ces technologies sont particulièrement recherchées pour les drones autonomes, la cybersécurité et la gestion des ressources logistiques.
Vers une autonomie stratégique ?
L’évolution du rôle des entreprises technologiques dans le domaine de la défense pose toutefois des questions sur la gouvernance et la régulation de ces technologies. En avril dernier (lire Qant du 30 avril 2024), le palais Hofburg de Vienne avait accueilli une conférence internationale intitulée "Humanité à la croisée des chemins : Systèmes d'armes autonomes et le défi de la régulation". Les nations participantes avaient notamment souligné l'urgence d'établir des règles internationales pour maintenir le contrôle humain sur les systèmes d'armes autonomes (lire Qant du 6 mai 2024).
L’implication des entreprises d’IA dans le secteur militaire a longtemps été un sujet de débat. En 2018, Google avait renoncé à son contrat avec le Pentagone pour le projet Maven, un programme d’IA destiné à analyser des images captées par des drones, à la suite de protestations internes de ses employés. Le projet, de plus de 200 millions de dollars, est échu à Palantir.
La situation a évolué rapidement. En début d'année, Google a supprimé de ses principes éthiques l’interdiction d’utiliser l’IA pour des applications militaires. L’entreprise a justifié ce revirement par le contexte géopolitique actuel et la nécessité, selon elle, pour les démocraties de conserver un leadership en matière d’IA.
Écosystème américain
Fin 2024, OpenAI s’est associée à Anduril Industries pour développer des technologies anti-drones, marquant une première incursion de l’entreprise dans le secteur de la défense. Des entreprises comme Palantir, Anduril et Shield AI constituent un premier noyau pour une industrie de l’IA militaire.
Parallèlement, le Congrès américain pousse le département de la Défense à adopter plus rapidement ces technologies. La loi de financement de la défense 2025 prévoit notamment un renforcement des infrastructures de calcul haute performance pour soutenir l’IA militaire et la mise en place de nouvelles normes de gestion des données.
Cette évolution se traduit également par une nouvelle approche de l’acquisition des technologies de défense. Plutôt que de répondre uniquement à des appels d’offres précis, certaines entreprises développent des solutions en amont et les testent en conditions réelles, avant même que les forces armées n’expriment une demande formelle. Cette stratégie permet de proposer des produits directement opérationnels et d’accélérer leur adoption.
Pour sa part, le Pentagone mène actuellement des tests sur l’utilisation d’outils dérivés de ChatGPT pour accélérer l’analyse des données de combat et améliorer la réactivité des commandants face à des adversaires technologiquement avancés. Ces expérimentations, menées en coopération avec Anduril et Palantir, visent à réduire le temps nécessaire pour comprendre une situation et prendre des décisions stratégiques.
L’Europe doit faire vite, avant que l’augmentation de ses budgets militaires ne profite exclusivement, pour l’IA, à l’industrie américaine.
Pour en savoir plus :