Elon Musk est, tout à la fois, le PDG de xAI qui vient d'annoncer une levée de fonds de 6 milliards de dollars, le dirigeant de plusieurs entreprises qui utilisent massivement l'IA, le responsable du ministère de l'efficacité gouvernementale nommé par le président des États-Unis, l'homme le plus riche du monde, et un citoyen américain qui s'exprime compulsivement et de manière clivante sur tous les sujets sur un réseau social qu'il a racheté pour 44 milliards de dollars et qui est suivi par plus de 200 millions de personnes.
La question est donc de savoir à quel titre il s'exprimerait, s'il était présent au sommet IA de Paris – sachant qu'il a déjà exprimé des points de vue contradictoires sur les dangers de l'intelligence artificielle et paradoxalement sur la non-nécessité de réguler cette technologie. S'il s'exprimait au nom de l'une de ses sociétés pour un éventuel investissement en France, l'approche serait encore différente. Dans tous les cas, la personnalité très clivante de ce personnage risquerait à la fois de médiatiser davantage le sommet et de polariser les éventuelles discussions d'un sujet complexe qui se résume difficilement sur le fil d'un réseau social.
Les enjeux véritables
Or, l'Artificial Intelligence Action Summit, qui s’ouvre aujourd’hui à Paris, est une occasion unique d'encourager le débat sur l'impact de l'IA sur la société, les institutions politiques et l'environnement, et de poursuivre un dialogue ouvert sur la gouvernance mondiale de l'IA dans un monde de plus en plus fragmenté. Seront présents 60 chefs d’État et de gouvernement, dont la vice-présidente américaine JD Vance, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le vice-Premier ministre chinois Ding Xuexiang et le Premier ministre indien Narendra Modi, ainsi que des centaines de scientifiques, experts et chercheurs académiques, dont quatre lauréats du prix Nobel et quatre lauréats du prix Turing et plus de 300 entreprises.
Certains affirment que l'IA ne nécessite aucune réglementation, tandis que d'autres considèrent que la Commission européenne tue l'innovation en réglementant l'IA de manière trop stricte. Ne nous voilons pas la face : l'IA est un sujet si complexe, aux conséquences politiques, sociétales et environnementales si nombreuses, qu'il mérite un débat plus nuancé. L’IA ne représente pas seulement une révolution industrielle et technologique, elle a le potentiel d’entraîner un profond changement de paradigme dans notre société, dans notre relation à la connaissance, au travail, à l’information, à la culture et même au langage.
Le sommet est avant tout une initiative diplomatique qui vise à faciliter la convergence de la gouvernance mondiale de l’IA, à susciter un débat sur l’impact de l’IA sur les sociétés et à établir une position de leadership intellectuel sur les derniers développements de l’IA. Il est probable qu’aucune annonce majeure ne soit faite, mais ce qui importe ici, c’est de créer les conditions d’un dialogue continu sur la réglementation mondiale de l’IA.
La France en avant
Il est également à noter que 50 projets innovants « AI for Good » ont été sélectionnés et recevront un soutien, une communication et un financement lors de l’AI Action Summit. Mais le choix d'accueillir le sommet à Paris vise surtout à mettre en valeur les capacités et les atouts de la France dans la course mondiale à l'IA, afin de s'assurer que la France reste l'une des principales destinations mondiales pour les investissements étrangers dans l'intelligence artificielle.
La France dispose d’une excellence en recherche mathématique et en IA, avec des scientifiques de renom comme Yann LeCun (prix Turing 2018 et directeur scientifique de l’IA chez Meta), plusieurs centres de recherche en IA et des centres de décision impliquant des leaders mondiaux.
L’écosystème français compte plus de 1 000 start-ups en IA, ayant levé 1,9 milliard d’euros en 2024, dont Mistral AI et son grand modèle de langage. La France possède aussi de puissants centres de calcul, qu’ils soient publics (Jean Zay/Genci) ou privés (Scaleway, Outscale et OVH), ainsi qu’une électricité décarbonée.
L’AI Action Summit ne sera peut-être pas le lieu d’annonces spectaculaires, mais il contribuera à poser les bases d’une gouvernance mondiale de l’IA et à renforcer la position de la France comme un acteur incontournable de cette transformation majeure.