Le rapport annuel au Congrès de la Commission américaine d'examen économique et de sécurité sino-américaine, remis la semaine dernière, met en évidence une rivalité croissante entre les deux puissances, avec des implications profondes pour l’économie, la sécurité et la technologie mondiales. Il explore plusieurs thèmes clés, notamment la préparation militaire de la Chine, les tensions croissantes autour de Taïwan, le rôle économique de Hong Kong, la stratégie de la Chine dans la dette des pays en développement, et les implications pour la sécurité nationale américaine.
Parmi les principaux sujets abordés, l’intelligence artificielle occupe une place prépondérante. La Chine continue d’investir massivement dans l’IA, la robotique et les semi-conducteurs, considérés comme des piliers de sa stratégie de modernisation industrielle et militaire. En réponse, les États-Unis ont mis en place des mesures restrictives visant à freiner l’accès de Pékin aux technologies et équipements de pointe, en particulier les puces avancées nécessaires à l’entraînement des modèles d’IA (lire Qant du 12 décembre 2023). Mais la Commission ne semble pas considérer qu’elles soient suffisantes. Des canaux alternatifs permettent à la Chine de poursuivre ses ambitions. Par ailleurs, les entreprises chinoises investissent dans la recherche fondamentale pour réduire leur dépendance aux technologies étrangères, ce qui pourrait, à terme, inverser les rapports de force.
Mobilisation sur l’AGI
La Commission recommande que le Congrès établisse et finance un programme consacré à la recherche et à l'acquisition d'une capacité d'intelligence générale artificielle (AGI), similaire ou supérieure à l’intelligence humaine. Elle le qualifie de “similaire au projet Manhattan”, qui a doté les États-Unis de la bombe atomique.
Pour ce faire, elle demande au Congrès de fournir une enveloppe pluriannuelle à l'exécutif pour accélérer le développement des systèmes d'intelligence artificielle, de cloud et de traitement des données et de demander au secrétaire à la Défense de fournir un système de priorités et d'allocations de la défense à l'écosystème de l'intelligence artificielle.
Le rapport souligne que l’IA est devenue un champ de bataille technologique central. Les capacités de l’IA ne se limitent pas à l’économie : elles influencent également les domaines militaires et sécuritaires. Selon le rapport, la Chine exploite l’IA pour des applications variées, allant de la reconnaissance faciale à l’analyse de données en temps réel, des domaines qui posent des défis majeurs en matière de droits humains et de cybersécurité.
Une militarisation technologique accrue
La Chine investit massivement dans l’intégration de l’IA au sein de son armée, notamment pour développer des systèmes autonomes capables de collecter, analyser et exploiter des données en temps réel. Ces capacités, combinées à une stratégie de modernisation des forces armées, renforcent la position de Pékin dans la région indo-pacifique et au-delà.
Cette militarisation technologique pourrait avoir des répercussions mondiales. En cas de conflit, les capacités de l’IA pourraient permettre des attaques asymétriques contre les infrastructures critiques des adversaires, y compris des cyberattaques ciblant des réseaux vitaux.
Outre l’IA et les les semiconducteurs, la Commission indique principalement trois domaines où se joue cette nouvelle course aux armements technologique : le calcul quantique, l’Internet des objets (IOT) et les biotechs. L’avance quantique des États-Unis leur confère un avantage en matière de protection des réseaux de communication, de décryptage des communications des adversaires et de capacités de détection des ressources militaires ennemies. Les applications militaires de l’informatique quantique incluent en effet la détection des sous-marins et des avions furtifs, ainsi que le développement de systèmes de communication sécurisés.
En revanche, la Chine est l'un des plus grands producteurs d'équipements IOT au monde. La Commission s’inquiète du risque d'espionnage, de manipulation à distance et de sabotage des réseaux américains, y compris des infrastructures énergétiques vitales. Et les entreprises chinoises de biotechnologie se sont intégrées aux chaînes d'approvisionnement génomiques et pharmaceutiques américaines, ce qui soulève des craintes quant à la dépendance vis-à-vis des produits médicaux et agricoles.
Des tensions commerciales croissantes
Le volet économique du rapport met en lumière les déséquilibres commerciaux persistants entre les deux nations. En 2024, les exportations chinoises vers les États-Unis ont continué de croître malgré les tarifs douaniers et les restrictions commerciales en place. Cependant, une proportion importante de ces échanges concerne des produits technologiques ou des biens intermédiaires contenant des composants stratégiques.
La Commission recommande au Congrès de renforcer les mesures de contrôle et d’encourager la relocalisation des chaînes d’approvisionnement. Des initiatives comme la diversification des sources d’approvisionnement vers des pays alliés, tels que le Vietnam et le Mexique, sont présentées comme essentielles pour réduire la dépendance à la Chine.
Ce qui devrait aller dans le sens du mercantilisme trumpien.
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