- RAPPEL. La semaine dernière, il est devenu clair aux yeux du monde que le traité de l’Atlantique Nord est désormais lettre morte. Emmanuel Macron a battu le rappel des alliés de la France, puis il est parti plaider la cause européenne à Washington. Keir Starmer en fera autant bientôt. Mais on sait aujourd’hui à Moscou que nos pays auront beau sauter comme des cabris en criant : “Article 5 !, ARTICLE 5 !”, nul ne viendra à notre secours (Qant remercie pour l’expression le Général que l’on sait, mais qu’on ne se leurre pas : Munich 2025 pourrait s’avérer aussi grave que Munich 1938).
- DEUX OMBRELLES PLUTÔT QU’UN PARAPLUIE. Vendredi, le candidat chancelier Friedrich Merz en a appelé à la France et au Royaume-Uni pour trouver une alternative au parapluie nucléaire américain. Cela dessine, potentiellement, une marginalisation des institutions européennes, engluées dans leurs propres lenteurs et leur gouvernance bicéphale quand elles ne sont pas les otages de membres prorusses, comme la Hongrie ou la Slovaquie, ou des lobbies américains, voire demain de membres pro-américains comme par exemple l’Italie.
- OFFENSIVE NUMÉRIQUE. Aux élections allemandes qui se sont tenues hier, le score sans précédent de l’extrême droite prorusse, soutenue par les États-Unis, a été précédé par une offensive numérique de grande ampleur sur X et TikTok, menée par Elon Musk lui-même, et d’autres figures du gouvernement fédéral comme le vice-président JD Vance.
- RÉARMEMENT. Le Danemark, dont l’intégrité territoriale est désormais ouvertement menacée par les États-Unis et indirectement par la Russie, a augmenté la semaine dernière ses dépenses militaires à 120 milliards de couronnes (16 Md€) dès cette année – en comparaison, le budget français de la défense est à 4 fois supérieur, pour 11 fois la population et 7 fois le PIB.
Les dépenses militaires danoises atteindront 3,2 % du PIB dès cette année • Source : ministère danois de la Défense
- EUROPE. Face à cette double menace, Mette Frederiksen, la Première ministre danoise, a jeté la traditionnelle “frugalité” de son pays aux orties, appelant à une révision des critères de Maastricht et à la création d’un fonds de réarmement européen basé sur un endettement commun, semblable à NextGeneration EU, doté de 750 milliards d’euros contre la Covid.
- EN FILIGRANE : Le jeu de quilles. L’appel de Mette Frederiksen est le seul résultat concret des réunions de chefs d’État à Paris, la semaine dernière, après le choc de la conférence de Munich. Or, Donald Trump et Vladimir Poutine misent clairement sur le fait que les pays européens n’offriront pas plus de résistance à leurs accords qu’une trentaine de quilles, tombant les unes sur les autres face à une boule de bowling.
- À SURVEILLER : Bruxelles. L’Union Européenne ne semble dotée ni de la réactivité nécessaire ni de la volonté politique de réagir. Mais un sursaut souverain d’Helsinki à Lisbonne, via Berlin et Paris, peut forcer la main de la Commission et un fonds européen de réarmement lui offrirait une opportune planche de salut. En outre, elle dispose immédiatement de deux armes qui peuvent montrer à Washington que le Vieux Continent n’est pas si inerte ni si édenté : le DSA et DeepSeek.
- COMMENT : Starlink et le DSA. La grande menace qui pèse sur l’Ukraine est dans les mains d’Elon Musk : couper Starlink, c’est probablement assurer une victoire russe rapide. Or, en décembre dernier, la Commission européenne a ouvert une enquête sur l’utilisation du réseau X pour interférence politique et amplification algorithmique des messages d’extrême droite, au titre du Digital Services Act. La cause est entendue et l’ancien commissaire Thierry Breton a déjà appelé, le mois dernier, à la fermeture de X et de Grok sur le Vieux Continent, sans attendre que la procédure punisse X d’une amende. C’est là un bruit de tronçonneuse que Musk, grand apôtre de sa propre liberté d’expression, devrait pouvoir entendre.
- COMMENT : Mistral, Helsing et… L’allemande Helsing et la française Mistral, déjà alliées entre elles, sont les premières gagnantes de la rupture stratégique entre l’Europe et les États-Unis (ainsi que, en deuxième ligne, des start-up comme Chapsvision et Comand.ai). Le champ de l’IA, en effet, est encore libre des pesanteurs qui grèvent l’industrie de l’armement : il est relativement aisé de faire naître en Europe un “écosystème” qui remplace Palantir et Anduril.
- …ET DEEPSEEK : Mieux encore; Perplexity AI a montré que l’on peut utiliser les modèles avancés de DeepSeek en toute sécurité, à condition de se donner les moyens d’un fine-tuning on prem ou sur un cloud privé (l’utilisation de l’app par le grand public reste en revanche, évidemment, soumise à la loi chinoise). Une simple déclaration publique, recommandant aux entreprises européennes l’adoption de Deepseek ou de Mistral pour des raisons de sécurité, sur un cloud labélisé, aurait un effet politique immédiat. Cris d’orfraie garantis.