General Motors vient d'annoncer la fin des opérations autonomes de Cruise, sa filiale dédiée aux robotaxis. Loin des ambitions initiales de générer 50 milliards de dollars de revenus d’ici 2030 grâce à ce service, GM a choisi de recentrer ce qu’il reste de sa filiale vers des technologies d’assistance à la conduite comme son système SuperCruise. Ce recentrage, après la sortie de route de Cruise (lire Qant du 10 novembre 2023), met un terme à un projet lancé il y a près d’une décennie.L’annonce a surpris, d’autant que Cruise reprenait ses opérations à San Francisco et Houston. Cependant, GM considère désormais que la rentabilité d’un service de robotaxis est hors de portée pour un constructeur automobile traditionnel.
Pour qui sonne le glas ?
GM abandonne donc l’idée d’un modèle économique hybride, partiellement basé sur la vente de véhicules aux particuliers et partiellement sur les services de mobilité, comme Uber, Waymo ou Zoox d’Amazon – qui devrait lancer ses services à Las Vegas dès l’an prochain.
Le retrait de GM est donc un mauvais signal pour Tesla, qui porte précisément une telle stratégie hybride, et un avertissement pour les constructeurs automobiles traditionnels. Le débat sur la conduite autonome commence en effet à se poser dans des termes qui évoquent celui du “thin client/thick client” de la fin des années 1990, qui posait la question de la dépendance au réseau et de la puissance de calcul à loger dans le terminal. La question qui se pose aujourd’hui est celle de la persistance d’une voiture individuelle avec un système avancé d’aide à la conduite (Adas) ou de la limitation de la conduite autonome aux flottes de véhicules partagés.
Chevaux-légers
Le coleader du secteur, la filiale d’Alphabet Waymo, semble clairement vouloir rester la plus légère possible. Ses multiples partenariats commencent à dessiner une stratégie assez claire, avec pour but d’étendre rapidement ses services de robotaxis.
D’une part, Waymo diversifie les constructeurs automobiles dont elle équipe les véhicules, en partageant la technologie. Outre Jaguar et Stellantis, partenaires historiques, on trouve désormais sur les rangs Volvo et Hyundai, ainsi que Renault Nissan pour la France. Cela pointe vers un modèle économique très œcuménique : proposer sa technologie aussi bien à des constructeurs qu’à des gérants de flottes.
La récente collaboration de Waymo avec Moove, annoncée la semaine dernière, va en ce sens. Pour son lancement à Miami. Waymo lui sous-traite la gestion et la maintenance des véhicules, ainsi que le contrôle à distance. Fondée en 2020 en Afrique du Sud, Moove finance en leasing les chauffeurs d’Uber. Après avoir levé 100 millions de dollars en mars dernier, elle est présente dans différentes villes d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Europe et d'Inde. Son profil semble donc idéal pour qu’elle puisse accompagner Waymo hors des États-Unis.
Expérimentations européennes, déploiements américains et asiatiques
Le premier service européen, toutefois, devrait être lancé l’an prochain par AV Ride à Hambourg, en Allemagne. Issue des opérations européennes du russe Yandex, la start-up néerlandaise s’appuiera sur Volkswagen, qui fournit les fourgons autonomes ID Buzz et un peu de technologie héritée des recherches d’Argo AI, une joint-venture entre Ford et VW dissoute en 2022.
AV Ride a par ailleurs conclu un partenariat avec Uber pour des livraisons autonomes au Texas, à Austin et Dallas. Uber cependant, qui a dû se désengager des véhicules autonomes après un accident mortel en 2018, n’y revient que très prudemment. La plateforme a juste signé un partenariat qui permet à Waymo de s’implanter au Texas et en Géorgie et, avec la chinoise WeRide, la création d’un service de robotaxis dans les Émirats.
Toujours en 2025, Zooks semble prête à se lancer aux Etats-Unis, à partir de Las Vegas. A la différence de Waymo, la start-up acquise par Amazon en 2020 a mis au point un véhicule entièrement dédié au service de robotaxi, sans volant ni pédales, bidirectionnel et entièrement autonome. Il s’agit donc d’un pas en avant vers ce que seront les voitures pleinement autonomes, même si les services de Zook restent pour l’heure au niveau 4, donc limité à un territoire reconnu à l’avance et télésurveillés.
Le Zooks, premier véhicule autonome sans volant ni pédales • Source : Zooks
La technologie de Waymo n’atteint elle non plus que le niveau 4 d’autonomie ; un téléopérateur reste nécessaire. En outre, toutes les villes où Waymo se déploie sont connues pour leur climat ensoleillé. De nouvelles avancées en intelligence artificielle seront sans doute nécessaires avant que les voitures autonomes puissent affronter des conditions plus rigoureuses et évoluer vers une conduite pleinement autonome, de niveau 5. Mais les progrès en computer vision dus à l’IA générative relancent cet espoir.
Tesla en retard
Tesla, dont le système de conduite autonome ne dépasse pas le niveau 2, mise gros sur les données qu’elle collecte auprès de ses clients et sur la synergie avec sa société-sœur, xAI. Elon Musk a promis le lancement d’un véhicule de niveau 5, le Cybercab, en 2027, sur un modèle hybride où l’acheteur le remettrait à la disposition du constructeur pour qu’il soit loué pendant le temps d’inutilisation. Tesla se déchargerait donc sur ses clients des problèmes d’investissement et de maintenance inhérents à la gestion d’une flotte, tout comme Uber (ou Moove) s’en déchargent sur leurs chauffeurs.
Plus immédiatement, Tesla prévoit une mise à jour du système de conduite autonome au niveau 4 en 2026. D’ici là, il est possible que Waymo, Zooks et AV Ride, sans oublier Baidu en Chine, ne soient pas les seuls à passer devant Tesla en déployant des véhicules de niveau 4 dès l’an prochain.
Waymo n’est en effet plus seul à proposer de tels systèmes aux constructeurs automobiles. Initialement spécialisée dans les robots de livraison, la start-up Nuro élargit son modèle en proposant la licence de sa plateforme d’autonomie de niveau 4 à des fabricants automobiles. Si elle réussit son pivot, le marché de l’Adas pourrait se trouver fortement dynamisé.
La chinoise Pony.ai, qui vient de réussir son introduction en Bourse (lire Qant du 29 novembre) envisage d'introduire ses technologies de conduite autonome en Corée du Sud, en Europe et au Moyen-Orient. Elle a déjà conclu un partenariat avec une compagnie de taxis à Singapour. Une plus petite start-up, Comma.ai, propose aux conducteurs américains de poser dès aujourd'hui un système d’autonomie (Adas) de niveau 2, comparable à celui de Tesla, sur plus de 275 modèles, rendant ainsi leur Toyota ou leur Honda aussi autonome qu’une Tesla aujourd’hui. Ces systèmes sont open source et pourront suivre l’évolution du marché vers le niveau 4.
La France sans les robots
Quant à la France… Pour les Jeux Olympiques de 2024, les taxis aériens promis ne se sont pas matérialisés. Et pour le Sommet de l’IA de 2025, personne ne semble encore avoir envisagé de robotaxi.
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