À quelques jours de l’Artificial Intelligence Action Summit, qui réunira à Paris des chefs d’État et des leaders technologiques, un nouveau rapport met en lumière la montée en puissance des start-ups européennes. Le French AI Report, réalisé par le fonds de capital-risque Galion.exe, la société d’investissement Revaia et le cabinet de conseil Chausson Partners, analyse les tendances récentes du secteur (lire Qant du 6 février).
Plus de recommandations que d’argent
Les acteurs français interrogés par l’étude identifient huit défis majeurs à relever en France et en Europe. L’équilibre entre systèmes ouverts et fermés émerge comme un enjeu stratégique, exigeant une gouvernance forte pour conjuguer innovation open source et protection de la propriété intellectuelle. L’accès aux données, amplifié par le recours à des données synthétiques, s’impose également comme une condition essentielle pour surmonter la rareté des données tout en préservant la confidentialité et en favorisant le développement de modèles robustes.
Par ailleurs, l'essor de l'IA agentique, capable d’une autonomie fiable, nécessite des pipelines et cadres d’évaluation bien conçus pour garantir des performances multimodales. Enfin, des stratégies d’accès au calcul abordable et la capacité à affiner les modèles open source deviennent cruciales pour démocratiser l’usage de l’IA tout en gérant les contraintes infrastructurelles.
Sur le plan des stratégies commerciales et humaines, les entreprises doivent se démarquer rapidement sur des marchés de plus en plus concurrentiels grâce à des propositions de valeur uniques et une validation itérative des cas d’usage. La "guerre des talents" en IA reste un obstacle majeur, nécessitant un renforcement des passerelles entre le monde académique et industriel pour répondre à la pénurie de profils qualifiés.
À cela s’ajoutent des exigences croissantes en matière de gouvernance et d’évaluation rigoureuse des modèles, intégrant des normes pour la sécurité, la transparence et la confidentialité. Enfin, la durabilité énergétique de l’IA, alors que ses besoins croissent rapidement, impose une adoption d’innovations plus efficaces et une modernisation des infrastructures pour garantir un développement soutenable.
Une répartition inégale des investissements
Selon ce rapport, l’IA a représenté une part importante des investissements en capital-risque en 2024, avec 8 milliards de dollars investis dans les start-ups du secteur. Un chiffre en forte croissance, porté par une vague d’innovations et un intérêt croissant des investisseurs internationaux.
La répartition géographique de l’investissement en IA en Europe entre 2020 et 2024 (en milliards de dollars) • Source : The French AI Report
Le marché européen de l’IA reste dominé par trois pays. Entre 2020 et 2024, le Royaume-Uni a concentré 33 % des investissements dans le secteur, tandis que la France et l’Allemagne se partagent chacun 22 % des financements. Les pays nordiques, malgré un écosystème plus restreint, ont attiré 7,2 % des fonds. En revanche, d’autres nations restent en retrait, à l’image de l’Irlande, qui n’a capté que 1,6 % des investissements dans l’IA sur cette période.
La France, un écosystème en pleine effervescence
En France, l’intelligence artificielle connaît un essor remarquable. Selon Clara Chappaz, ministre déléguée à l’Intelligence Artificielle et aux Technologies Numériques, plus de 750 start-ups travaillent sur des solutions basées sur l’IA, générant 35 000 emplois. Le pays bénéficie également d’un fort potentiel de recherche, avec 2 000 scientifiques et 600 doctorants spécialisés dans le domaine.
Cartographie des start-ups émergentes d'infrastructures et d'agents d'IA en France • Source : The French AI Report
Le French AI Report a analysé les 400 start-ups françaises les plus prometteuses. Si certaines, comme Mistral AI et Poolside, se sont déjà imposées sur la scène internationale, la majorité d’entre elles se concentrent sur des applications spécifiques plutôt que sur le développement de nouveaux modèles d’IA généralistes. Plusieurs entreprises travaillent ainsi sur l’optimisation des flux de données, à l’image de Linkup et Kestra, ou sur l’amélioration des performances d’inférence, comme ZML. D’autres, à l’instar de Dust, développent des agents capables de traiter et d’analyser d’immenses volumes de données.
Un marché largement soutenu par les investisseurs américains
Plus une start-up grandit, plus elle attire des fonds étrangers. Le rapport souligne que 50 % des investissements en Série C et au-delà proviennent de fonds américains, qui participent également à hauteur de 20 % aux levées de fonds en amorçage et en Série A.
Les entreprises technologiques jouent aussi un rôle clé dans le financement du secteur. Google, Microsoft et Nvidia comptent parmi les principaux investisseurs privés, apportant 16 % des fonds. De leur côté, les organismes publics, comme le Conseil européen de l’innovation, représentent 9 % du financement total.
Des secteurs clés : santé et climat
Les start-up françaises spécialisées dans l’IA se démarquent particulièrement dans deux domaines stratégiques. Dans le secteur de la santé, des entreprises comme Owkin et Bioptimus travaillent sur l’imagerie médicale, la découverte de nouveaux médicaments et l’amélioration des traitements. L’intelligence artificielle permet ici d’accélérer les diagnostics, d’optimiser les essais cliniques et de personnaliser les soins.
L’IA joue également un rôle de plus en plus important dans le domaine environnemental. Plusieurs start-ups misent sur l’intelligence artificielle pour optimiser la gestion du carbone, de l’énergie et des ressources agricoles. Altrove, par exemple, développe de nouveaux matériaux bas carbone, visant à réduire l’empreinte environnementale de nombreux secteurs industriels.
Si la course mondiale à l’IA est encore loin d’être terminée, l’Europe semble, d’après les auteurs, avoir franchi un cap en 2024. Les investissements enregistrés cette année pourraient poser les bases d’un écosystème plus robuste.
De là à ce qu’il devienne capable de rivaliser avec les leaders du marché…
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