Robotique autonome : l’IA lance la course aux humanoïdes

“La course des robots humanoïdes” (Qant, M. de R. avec Midjourney)

Le marché des robots humanoïdes voit se multiplier les acteurs et les cas d’usage partout dans le monde, avec en ligne de mire des gains d’autonomie permis par l’intelligence artificielle.

La course à la robotique humanoïde est lancée. Au sens propre, avec l'établissement en mars dernier d'un nouveau record du monde du robot humanoïde le plus rapide par la chinoise Unitree Robotics et son modèle H1 V3.0 Evolution, qui a atteint une vitesse de 11,88 km/h. Au sens figuré, surtout, avec une explosion des modèles mais surtout des cas d’usage de ces androïdes, notamment dans les secteurs de la santé et de la logistique.

Selon une étude récente publiée par le cabinet de conseil MarketDigits, le marché mondial des robots humanoïdes, évalué à 1,7 milliard de dollars (1,56 milliard d'euros) en 2023, devrait atteindre 36,1 milliards de dollars (33,3 milliards d'euros) d'ici 2030, avec un taux de croissance annuel composé (CAGR) de 46,5 % durant la période 2023-2030.

La course des continents

Comme à l’accoutumée dans les technologies émergentes, l'Amérique du Nord domine le marché des robots humanoïdes. Elle y représente plus d’un tiers du marché mondial en 2022 selon un autre cabinet d’études, Technavio. On y expérimente les robots humanoïdes dans des fonctions comme les relations publiques, l'assistance personnelle et les soins, ou encore l'éducation et le divertissement. Parmi les grands noms issus d’outre-Atlantique, Atlas de Boston Dynamics, Optimus de Tesla ou encore Figure 01 de Figure AI.

L’Asie et l’Europe présentent cependant de plus en plus d’initiatives. Le Japon a une tradition robotique forte, avec de grands acteurs comme Softbank Robotics et Toyota Motor Corp mais l’année écoulée, la Chine a tenu la rampe avec les présentations du CL-1 de LimX, du GR-1 de Fourier, ou encore du H1 de Unitree.

Côté européen, la start-up norvégienne 1X soutenue par OpenAI a présenté Eve. Certes muni de pinces et de roues en lieu et place des mains et des jambes, ce robot humanoïde possède néanmoins de nombreuses caractéristiques “humaines”, comme un buste, des bras, et même un “visage” électronique. Entraîné grâce à un modèle de base d'apprentissage automatique, Eve est destiné à des tâches d'assistance à domicile. Dans les vidéos régulièrement publiées par 1X, le robot est montré en train de plier des t-shirts, de ranger des courses dans des placards, ou encore de manipuler un chiffon.

Les missions confiées aux robots humanoïdes ont elles aussi évolué ces dernières années. La demande croissante dans le secteur médical forme un moteur clé de la croissance du marché. Mais le marché dominant reste celui de l'assistance personnelle et des soins, avec des robots conçus pour aider les personnes âgées ou handicapées dans les activités de la vie quotidienne, leur offrir de la “compagnie”, soutenir leur santé mentale, etc.

Le vieillissement de la population mondiale et la demande croissante de services de soin à domicile expliquent le développement de ce secteur. Parmi les acteurs majeurs, le hong-kongais Hanson Robotics notamment connu pour son robot Sophia, qui s’est vu décerner la nationalité saoudienne en 2017 à l’occasion d’un congrès organisé à Riyad sur les nouvelles technologies, ou l'espagnol Pal Robotics avec Talos, un robot d'1,75 mètre pour 95 kilos notamment passé par le centre Inria Nancy - Grand Est.

Un robot à l’usine

Cette phase expérimentale, un peu ludique, se termine. Les tests de robots humanoïdes dans des usines ou des entrepôts se multiplient. En mars dernier, Mercedes-Benz a par exemple annoncé l'intégration prochaine dans ses usines des premiers robots Apollo, créés par la start-up texane Apptronik. Les Apollo sont conçus pour exécuter des tâches manuelles simples comme le transport et la livraison d'objets. Ils automatiseront des tâches répétitives et physiquement exigeantes, avec pour objectif de réduire les problèmes de santé et de sécurité au travail : blessures, troubles musculo-squelettiques...

Plus tôt cette année, d'autres fabricants de voitures ont lancé des pilotes. C'est par exemple le cas du chinois Nio,spécialisé dans les véhicules électriques, qui a testé l'utilisation du robot Walker S, fabriqué par le hong-kongais UBTech Robotics, sur une chaîne de montage. L'humanoïde y inspecte la qualité des serrures de portes et des ceintures de sécurité, ou bien pose des logos sur les véhicules, en s'appuyant sur ses capacités de capture et de transmission d'images en temps réel.

En janvier, c'est BMW qui avait annoncé le déploiement du robot humanoïde Figure 01 dans son usine américaine. Présenté par la start-up californienne Figure AI à l'automne 2023, le robot est prévu pour réaliser plusieurs tâches nécessitant une haute dexterité au sein de l'usine, allant du déplacement de boîtes au chargement de palettes. Enfin, s’il n’a pas encore été testé dans une usine comme ses concurrents, le robot Atlas de Boston Dynamics a récemment été montré en train de manipuler avec précision des amortisseurs de voiture pesant environ 13,6 kilos.

L’IA pour faire parler les robots

Outre la fascination pour les androïdes, la cause de cet engouement se trouve dans la convergence qui se dessine entre robotique autonome et intelligence artificielle. Il y a moins d'un mois, une équipe de chercheurs de l'université de Californie à Berkeley a par exemple donné au robot Digit d'Agility Robotics la capacité de se promener seul dans les rues de San Francisco. Pour se faire, ces derniers ont affecté des trajectoires plutôt que des mots aux tokens prédits par un modèle d'IA. Digit a ainsi pu déambuler dans des terrains extrêmement divers, sans reconnaissance préalable.

La canadienne Sanctuary AI est allée jusqu'à affirmer début mars que son robot Phoenix était animé par une "intelligence artificielle générale incarnée" (sic). Plus concrètement, la start-up explique entraîner un "grand modèle de comportement" permettant à ses robots autonomes d'effectuer les mêmes tâches qu'un humain. Dans une vidéo partagée par le CEO de Sanctuary Geordie Rose, Phoenix est mis en scène en train de ranger des gobelets avec une vitesse et une dextérité proches de celle d'un être humain.

Les principaux acteurs du marché des robots humanoïdes (Qant)

Les principaux acteurs du marché des robots humanoïdes (Qant)

Des humanoïdes qui agissent grâce à l'IA et ... qui parlent grâce à elle. Mi-mars, Figure a mis en scène le Figure 01 en pleine conversation avec un être humain, expliquant son comportement alors qu'il exécute des commandes vocales. Pour se faire, le système du robot, qui intègre des caméras, se base sur un modèle de vision-langage d'OpenAI qui permet au robot de comprendre les paroles et de convertir ces informations en actions.

Des androïdes en quête d’autonomie

Pour OpenAI, il s'agit des premiers fruits de la collaboration avec Figure, qui a récemment réuni 675 millions de dollars en série B, notamment auprès du Startup Fund d'OpenAI. A l'heure actuelle, le Figure 01 est capable de réaliser plusieurs tâches de manière autonome comme ramasser des déchets et ranger de la vaisselle. Le CEO et co-fondateur de Figure Brett Adcock a confirmé que la démonstration du Figure 01 avait été effectuée sans téléopération et filmée à vitesse normale.

La question de la relative autonomie des androïdes reste au cœur des préoccupations de tous les fabricants de robots, qu’il s’agisse de start-ups ou d’acteurs implantés. En janvier dernier, Tesla avait par exemple mis en scène son robot Optimus en train de retirer un t-shirt et de le plier soigneusement, dans une vidéo laissant apparaître une main gantée qui suggère qu'une personne hors champ dirige les mouvements du robot. “Optimus ne peut pas encore faire cela de manière autonome, mais il en sera certainement capable”, avait alors dû concéder Elon Musk.

Il devra en tout cas faire vite, car la course est lancée.

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